Discours du trône 2014
Mesdames et Messieurs les membres des États généraux,
L'été 2014 a démontré encore une fois combien la liberté et la sécurité sont fragiles - y compris dans notre partie du monde, y compris aux Pays-Bas. Le 17 juillet, les 298 passagers du vol MH17, dont 196 de nos compatriotes, ont connu une destinée tragique. La tradition festive du Prinsjesdag s'en trouve cette année endeuillée. La catastrophe aérienne qui a eu lieu au-dessus de l'Ukraine a directement touché de nombreux concitoyens, y compris au sein de cette assemblée, et nous a tous profondément choqués. Le pays entier a manifesté son unité, dans la douleur et le recueillement. Ces signes de compassion et de solidarité sont un réconfort pour tous ceux qui sont confrontés à la perte de proches.
La tragédie du vol MH17 et la situation en Ukraine et au Moyen-Orient illustrent les relations d'interdépendance qui caractérisent le monde d'aujourd'hui. Nous vivons dans un pays ouvert, orienté vers l'extérieur, acteur de la communauté internationale grâce à une multitude de liens personnels, économiques, politiques et culturels. Les bienfaits que nous en retirons nous exposent toutefois à de réels risques et nous fragilisent. Des conflits qui ont lieu à des milliers de kilomètres provoquent des émotions et des réactions dans notre pays. Cela n'est pas nouveau, mais à l'ère numérique, où chacun a le monde à portée de main à travers son téléphone, l'impact social est plus fort et plus directement visible.
La situation au nord de l'Irak, en Syrie et dans la bande de Gaza entraîne dans notre pays des tensions et fait naître un sentiment d'impuissance et d'insécurité. Il ne faut pas laisser la haine qui déchire d'autres parties du monde se répandre dans nos rues. Les développements géopolitiques ont également des répercussions économiques directes chez nous. Pensons par exemple aux sanctions réciproques entre l'Union européenne et la Russie et à leurs retombées néfastes pour les entreprises néerlandaises. Tous ces événements mettent à l'épreuve la vitalité de notre société et de notre économie. Pour faire contrepoids, il est nécessaire de faire des choix clairs et de maintenir le cap. Le gouvernement se réjouit du soutien politique et social en ce sens et s'emploie à le maintenir.
Le gouvernement défend fermement les droits fondamentaux et les libertés, et intervient quand les limites sont franchies. Il ne tolérera en aucun cas les incitations à la haine, les menaces de violence ni la discrimination de groupes sociaux. Chaque habitant de notre pays doit se savoir protégé et en sécurité. Chaque habitant de notre pays doit se sentir libre de défendre sa religion, son orientation sexuelle et ses convictions. La lutte contre l'extrémisme et l'intolérance est une mission centrale de l'État. La société a un rôle à jouer : les efforts des parents, des écoles, des clubs de sport et de multiples autres acteurs sont nécessaires pour prévenir la radicalisation. Les Pays-Bas font à cet égard preuve de ressort et s'appuient sur une longue tradition de liberté et d'unité.
La protection de notre État de droit n'est pas une affaire purement intérieure. Il est pertinent et dans notre intérêt de mener une politique extérieure volontariste, au service de la paix et de la sécurité dans les pays et les régions du monde où elles sont menacées. Cette responsabilité, nous ne pouvons l'assumer qu'en étroite coopération avec nos partenaires internationaux au sein de l'Union européenne, de l'OTAN et des Nations unies. Les Pays-Bas se sentent de longue date investis de cette mission de promotion de l'ordre juridique international, au point de l'avoir inscrite dans leur Constitution. Elle se traduit concrètement par la mise à disposition de moyens et de personnel pour des missions telles que celle en cours au Mali ou l'opération de lutte contre la piraterie au large des côtes africaines. Tous les militaires néerlandais participant à de telles missions méritent le plus grand respect.
Pour être en mesure d'assumer les responsabilités qui découlent de l'accroissement des conflits dans le monde, le gouvernement amorce une rupture avec le passé en augmentant le budget de la Défense d'un montant de 100 millions d'euros par an. Il réserve aussi, à titre exceptionnel, une enveloppe complémentaire pour l'aide d'urgence internationale et l'accueil des réfugiés dans leur région d'origine. Les Pays-Bas souhaitent ainsi apporter leur soutien au nombreux groupe de personnes chassées de leur foyer du simple fait de leur identité ou de leur croyance. De nouvelles menaces, comme l'épidémie du virus Ebola en Afrique de l'Ouest, exigent une approche internationale et l'apport d'aide d'urgence sur place afin d'enrayer leur propagation.
Dans notre propre pays, le gouvernement œuvre au redressement durable et à la croissance de l'économie et de l'emploi. Cela passe par des finances publiques saines, une répartition équilibrée des revenus, une sécurité sociale viable, des marchés du travail et du logement opérationnels, un appareil éducatif tourné vers l'avenir et un système de santé accessible et aux coûts maîtrisés. Les efforts du gouvernement portent également sur la coopération avec la partie caraïbe du Royaume, dans le but de favoriser là-bas aussi un développement social durable.
Pour de nombreux Néerlandais, une société développée se caractérise par l'accès à des soins de qualité. Les Pays-Bas disposent d'un des systèmes de santé les meilleurs et les plus accessibles au monde, et il est dans l'intérêt de tous de veiller à ce qu'il en reste ainsi, car des soins de qualité constituent un service de base indispensable. Le fait est que le coût de ce système croît plus vite que notre économie. C'est pourquoi des accords ont été passés avec tous les acteurs du secteur en vue de renforcer la prise de conscience et de lutter contre les abus et la fraude. Cela permet de faire des économies tout en conservant la qualité des soins. Cette année, pour la première fois depuis longtemps, l'évolution des dépenses est favorable par rapport aux prévisions. Entre 2013 et 2017, la hausse était estimée à 16 milliards d'euros, elle devrait finalement s'établir à 6 milliards grâce à la politique menée.
Au 1 er janvier 2015, une partie des soins à domicile, de l'aide à l'enfance et des dispositifs en faveur des travailleurs handicapés sera transférée aux communes. Rapprocher les services des personnes permet de réduire la bureaucratie et de mieux tenir compte des besoins et préférences individuels. L'objectif est de parvenir à un système flexible qui fournisse des prestations accessibles et de qualité répondant aux besoins et à la liberté de choix. Cette décentralisation participe au renforcement de la vitalité des Pays-Bas.
En 2015, les pouvoirs publics et les entreprises s'efforceront de faire en sorte que le plus grand nombre possible de travailleurs handicapés trouve un emploi sous statut ordinaire. Si les dispositifs de soins à domicile et d'aide à l'enfance sont maintenus, les bénéficiaires remarqueront des changements dans les conditions et les prestations fournies. Cela exigera une adaptation difficile, qui pourra susciter l'inquiétude. C'est pourquoi le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour que cette réforme prenne un bon départ. L'attribution d'une allocation d'aide ménagère permettra à de nombreux employés de garder leur emploi et de rester une présence familière auprès des bénéficiaires. Conscient qu'une opération de cette portée ne peut être totalement exempte de difficultés, le gouvernement s'emploiera à réduire au minimum les problèmes de mise en œuvre, en concertation avec les communes, les prestataires et les bénéficiaires. À cet effet, un budget complémentaire de 400 millions d'euros sera disponible en 2015. L'énergie et la détermination investies dans la préparation de cette grande réforme méritent notre considération et invitent à l'optimisme.
L'économie néerlandaise fait preuve de sa vitalité et de sa capacité à rebondir. Après plusieurs années de récession et de hausse du chômage, voir notre pays retrouver progressivement le chemin de la croissance inspire confiance. Selon les prévisions, le déficit budgétaire devrait se réduire en 2015 pour s'établir à 2,2 % du PIB. Non seulement il n'est pas nécessaire d'introduire de nouvelles mesures de rigueur, mais il n'y a pas non plus lieu de mettre en œuvre certains alourdissements de charges initialement prévus pour les contribuables à hauteur d'environ un milliard d'euros.
L'année 2015 verra le secteur public renouer avec l'ajustement des salaires. Après plusieurs années de gel, les salaires des professeurs, des policiers, des militaires et des autres fonctionnaires de l'État pourront de nouveau suivre l'évolution du marché.
En comparaison avec celle de nombreux autres pays, notre situation économique est solide. Et il y a toute raison d'être optimiste si l'on considère la place dans le monde de nos secteurs d'excellence comme l'agriculture et l'alimentation, la logistique, l'industrie créative ou encore l'eau. En même temps, le redressement économique de notre pays est fragile et dépend de la conjoncture mondiale, et particulièrement de la situation de nos principaux partenaires au sein de l'Union européenne.
La préoccupation majeure du gouvernement reste le niveau élevé du chômage, qui touche de plein fouet de nombreux concitoyens et leur famille. Y remédier est la priorité absolue du gouvernement. Tous les moyens possibles seront mis à la disposition de ceux qui perdent ou risquent de perdre leur emploi afin de les maintenir sur le marché du travail.
En concertation avec le secteur éducatif, les syndicats et les entreprises, l'État poursuit ses efforts en faveur de la qualification, de l'accompagnement d'un emploi à un autre et de la formation en alternance, en particulier pour les jeunes. Une mesure complémentaire permettra de travailler temporairement ou de suivre une formation technique prometteuse tout en gardant son allocation de chômage. Elle devrait avoir un effet à court terme en réduisant les risques liés à l'embauche pour les employeurs et en augmentant les chances de trouver un emploi pour les chômeurs de longue durée. Par ailleurs, le maintien du droit de bénéficier de l'allocation pour la garde d'enfants en cas de licenciement sera porté de trois à six mois, de sorte à permettre aux personnes concernées de se consacrer plus longtemps à la recherche d'un emploi. Enfin, le tarif réduit de TVA dans la construction est prolongé jusqu'au 1 er juillet 2015 afin de soutenir l'emploi dans ce secteur.
La croissance économique future a besoin de jeunes talents, qu'il faut stimuler et exploiter. Ces dernières années, le gouvernement a fait d'importants efforts pour accroître la qualité de l'enseignement et du personnel enseignant, ainsi que pour améliorer la continuité entre l'enseignement professionnel et le marché du travail. La réforme de l'allocation d'étude et l'introduction d'un système de prêt étudiant permettront, à terme, de dégager un montant d'un milliard d'euros qui sera affecté à l'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur grâce à l'accroissement des heures de cours, à un accompagnement plus intensif des étudiants et à la promotion de l'excellence. La carte de transports en commun reste acquise aux étudiants et sera étendue à tous les élèves de l'enseignement secondaire professionnel. Conformément aux accords passés avec le secteur éducatif, le gouvernement engagera en outre des investissements supplémentaires dans l'enseignement primaire, secondaire et professionnel, avec pour maître-mot le savoir-faire. Outre l'attention portée au personnel enseignant, un système moderne de compagnonnage sera introduit dans l'enseignement secondaire professionnel.
En vue de renforcer la capacité d'innovation de notre pays, le gouvernement institue un « fonds pour l'avenir » ayant vocation à attribuer des prêts aux PME innovantes. Le rendement du fonds permettra de financer des dépenses en faveur de la recherche fondamentale et appliquée. La gestion des deltas fait partie des secteurs innovants dans lesquels notre pays se distingue au niveau international grâce à sa longue tradition de lutte contre les eaux. Présenté en même temps que le budget 2015, le Plan Delta rend notre pays plus sûr tout en donnant une sérieuse impulsion au secteur néerlandais de l'eau.
La suppression des règles inutiles qui gênent les entreprises et les particuliers reste un objectif important de la politique gouvernementale. Lors de la nouvelle année parlementaire sera examinée la loi sur l'environnement et l'aménagement du territoire, qui a pour but de fortement simplifier et d'accélérer les procédures de construction de logements, de bureaux et d'infrastructures.
À long terme, le gouvernement travaillera à la révision du régime fiscal avec un double objectif : nettement simplifier le système et favoriser l'emploi en réduisant les charges qui pèsent sur le travail. Il s'agit d'augmenter les chances des personnes peu qualifiées de trouver un travail et de faire en sorte que tous ceux qui trouvent un emploi y gagnent financièrement. Pour les petits entrepreneurs, il sera plus intéressant d'embaucher.
Terre d'exportations, les Pays-Bas accueillent aussi de nombreuses entreprises étrangères. La croissance et l'emploi dans notre pays trouvent leur source, pour une grande part, en dehors de nos frontières. Aussi le gouvernement souhaite-t-il consolider la politique axée sur l'attractivité du climat d'investissement et le soutien aux entreprises exportatrices. L'ambitieux programme de missions commerciales sera intensifié. Les crédits à l'exportation, auxquels les entreprises auront plus facilement accès, seront davantage centrés sur les économies émergentes.
Au niveau européen, le gouvernement continue à plaider en faveur du renforcement du marché intérieur, de la discipline budgétaire et de réformes structurelles au sein des États membres, autant de conditions nécessaires à la solidité de l'économie européenne. Le marché numérique, le marché de l'énergie et les négociations en cours sur les accords de libre-échange avec les États-Unis et d'autres pays offrent des perspectives prometteuses en termes de croissance économique.
La coopération européenne doit se concentrer sur les terrains où elle apporte une véritable valeur ajoutée. C'est l'idée qui sous-tend le programme stratégique, qui doit guider le travail de la nouvelle Commission européenne pour les cinq années à venir. Ce programme comporte des thèmes transfrontaliers majeurs comme le marché intérieur, la politique énergétique et climatique, ainsi que la lutte contre le crime organisé et la cybercriminalité. L'équité au sein de l'Europe implique un salaire égal pour un travail égal à l'intérieur de chaque État membre. Cette question tient à cœur au gouvernement, qui intensifiera la lutte contre les montages fictifs.
Mesdames et Messieurs les membres des États généraux,
Nous fêtons cette année le bicentenaire duPrinsjesdag. Durant les deux siècles écoulés, notre pays a toujours su faire preuve de vitalité et se montrer uni lorsque les circonstances l'exigeaient - comme cet été encore. Le gouvernement continuera à œuvrer avec détermination à une société pleine de dynamisme et de ressort, ainsi qu'au redressement économique et à la croissance de l'emploi. Les réformes engagées posent de solides fondations pour l'avenir de notre pays. Ces efforts s'inscrivent dans un environnement international turbulent et incertain qui nous rappelle que la liberté, la sécurité et la prospérité sont intimement liées. Ce contexte aura également une influence sur votre travail, lors de cette nouvelle année parlementaire. Puissiez-vous remplir votre mission en sachant que beaucoup vous souhaitent la sagesse nécessaire et se joignent à moi pour prier que vous soient données la force et la bénédiction de Dieu.